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Moderniser et investir dans les administrations afin de rendre le service public plus performant pour un moindre coût, c’est le défi qu’essaie de relever l’Etat en perfectionnant sa transformation numérique. Afin de dépasser la dette technologique, l’Etat écarte le processus de « revamping » de son système d’information pour préférer une refonte globale de l’architecture d’échange de ses données.

Un service public sans couture

Jacques Marzin, ancien directeur de la DISIC (Direction interministérielle des systèmes d’information et de communication) de 2012 à 2015, parlait de services publics « sans couture » pour l’usager. La stratégie numérique de l’Etat se concentrait ainsi sur des traitements multicanaux des données, afin d’aboutir à une meilleure fluidité d’échanges entre usager et administration. A titre d’exemple, les administrations tendent aujourd’hui à mettre en place le principe « Dites-le nous une fois » afin de simplifier les procédures administratives et de lutter contre la redondance de collecte des données des usagers.

Le Grand Plan d’Investissement : un projet trop ambitieux ?

Lors de l’édiction du Grand Plan d’Investissement 2018-2022, Jean Pisani-Ferry prévoyait une enveloppe de 9,3 milliards d’euros afin de moderniser l’Etat français. Plus de la moitié de cet investissement devant être consacrée à l’E-santé, notamment au regard de la création du tant attendu DMP (Dossier Médical Partagé).

La dématérialisation de l’ensemble des services publics d’ici 2022 était une des promesses d’Emmanuel Macron lors de sa campagne. Si le projet est fort ambitieux, il semble également difficilement réalisable sur une si courte durée de temps. Le Premier Ministre Edouard Philippe écrit dans le préambule du GPI « Le Gouvernement s’engage dans un plan d’investissement public résolument ambitieux afin d’assurer une croissance durable et inclusive pour accompagner les réformes qui libéreront les initiatives ». En effet, la numérisation de l’État a pour conséquence de lutter contre l’exclusion numérique qu’endurent certains foyers de par leur situation géographique éloignée des services administratifs, en rendant les démarches plus accessibles et moins longues. Cependant, ce plan renforce a contrario la fracture sociale dont souffrent les personnes en situation de précarité numérique. Selon le baromètre du numérique 2018 de l’Arcep, 14% des foyers français n’ont pas accès à internet, du fait de zones blanches sur le territoire français. S’ajoute à cette constatation la paupérisation croissante des personnes en situation financière délicate, des demandeurs d’emplois, des personnes atteintes de handicap, des personnes en situation d’illettrisme, des personnes âgées, des familles monoparentales, en bref : des populations nécessitant le plus l’accès aux services publics. En effet, la majorité des demandes d’aides sociales s’effectuent aujourd’hui sur le net, ainsi que la prise de rendez-vous préalable avec certains services sociaux. Afin de lutter contre la précarité digitale, Emmaüs a lancé une start-up solidaire « WeTechCare » en s’associant à Google, proposant des formations au numérique accessibles à tout public. D’autre part, Mounir Mahjoubi présentait en septembre 2018 un plan pour l’accès au numérique. Ce plan prévoit par exemple des « pass numériques » donnant accès à des formations au numérique de 10 à 20 heures, ainsi que la mise en place d’aidants numériques, professionnels habilités à effectuer les démarches en ligne de personnes en situation de précarité numérique.

Jehanne Dussert
Master 2 Cyberjustice – Promotion 2018-2019

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